1. Théories de nucléation
Dans les (de nombreuses variantes existent) théories de nucléation, dont l’objet est (dans le cas présent) de quantifier de formation de gouttelettes à partir d’une vapeur condensable, l’interaction entre la transition solide-liquide et la transition liquide-vapeur n’avais jamais été prise en compte jusqu’ici. Or, cette interaction joue nécessairement un rôle lorsque la nucléation se produit à des températures telles que des transitions de phase solide-liquide sont susceptibles de se produire dans les gouttelettes en formation. C’est notamment le cas lors de la formation de gouttelettes d’eau dans l’atmosphère, qui se produit entre la température ambiante au sol et des températures très basses, de -50°C voire moins, en altitude. La transition solide-liquide des gouttelettes d’eau se produit, pour certaines tailles, dans cette gamme de température. Un modèle de nucléation non-isothermal incluant la transition solide liquide a été développé. Il est montré que les gouttelettes peuvent croître en surfusion (et ce d’autant plus facilement que la sursaturation est élevée), c’est-à-dire dans des états liquides métastables, à des températures aussi basses que -50°C, voire en-deçà [“ Growth and melting of droplets in cold vapors ”, J-M L’Hermite, Phys. Rev. E 80, 051602 (2009)].
- Figure 1. Surface d’énergie libre de nucléation de l’eau à 243K à une sursaturation de 3.0. Les coordonnées réduites u et v représentent (approximativement) respectivement la taille et l’énergie interne des particules en cours de nucléation. Dans ce système de coordonnées, la nucléation est représentée comme une diffusion thermique. Dans le cas représenté ici, la nucléation se produit dans une vallée liquide métastable.
2. Modèles d’évaporation
L’extension à l’échelle macroscopique de deux modèles parmi les plus couramment utilisées de modèles d’évaporation d’agrégats, le modèle de Weisskopf (microréversible ) et le modèle de Kassel (non microréversible) a été analysée et confrontée à des données expérimentales macroscopiques, en l’occurrence la pression de vapeur saturante du sodium . Il a été montré que les modèles non microréversibles, de type Kassel, ne convergent pas correctement, lorsqu’on fait tendre la taille des agrégats vers l’infini, vers les propriétés thermodynamiques macroscopiques aussi bien expérimentales que théoriques. La limite aux très grandes tailles du modèle microréversible de Weisskopf se raccorde par contre convenablement aux théories macroscopiques et permet de représenter très correctement la pressions de vapeur saturante expérimentale su sodium sur une très large gamme de température [“ Macroscopic extension of RRK and Weisskopf models of unimolecular evaporation ”, J-M L’Hermite and S. Zamith, EPL 100, 23001 (2012)].
- Figure 2. rapport entre pressions de vapeur saturante du sodium calculées et expérimentales. L’accord expérience/théorie est bien meilleur avec le modèle de Weisskopf (microréversible) qu’avec le modèle RRK (non microréversible)
3. Compensation enthalpie/entropie
Les températures de fusion et chaleurs latentes associées des agrégats de sodium, mesurées expérimentalement par notre équipe, sont analysées dans le cadre d’un modèle de transition solide/liquide à 2 niveaux que nous avons développé. Une corrélation est observée entre l’énergie de cohésion des agrégats et leur chaleur latente de fusion. Dans le cadre du modèle harmonique utilisé, une pénalité entropique du solide est associée à l’avantage énergétique que procure une énergie de cohésion élevée : cela explique pourquoi les variations de températures de fusion d’une taille à l’autre, dues aux variations d’énergie de cohésion, sont réduites par un mécanisme dénommé « compensation énergie/entropie » [“A two-state model analysis of the melting of sodium clusters : Insights in the enthalpy-entropy compensation ”, S. Zamith, F. Chirot and J.-M. L’Hermite, Europhysics Letters 92, 13004 (2010)].
- Figure 3. variation de températures de fusion d’agrégats de sodium avec (cercles noir) et sans (carrés rouge) compensation énergie/entropie.
3. La fusion des agrégats- quelques rudiments
Vous trouverez ici deux animations (chacune sous deux formats différents, .AVI et .MOV) décrivant le processus de fusion des agrégats Na55 et Na147. La technique expérimentale que nous utilisons pour caractériser les transitions de phase dans les agrégats est basée sur la mesure d’une singularité dans la chaleur latente de fusion. Nous montrons ici, sous forme d’animations, l’évolution de trois quantités importantes au voisinage de la fusion :
1) l’énergie interne
L’énergie interne subit, à la température de fusion, un "saut" d’une valeur égale à la chaleur latente de fusion. Très brutal dans le solide macroscopique, ce saut existe encore dans un agrégat mais est adouci, d’autant plus que sa taille est petite.
2) la capacité calorifique
La capacité calorifique est la dérivée de l’énergie interne par rapport à la température. Elle présente donc un pic, plus ou moins acéré en fonction de la taille, à la température de fusion.
3) la distribution d’énergie interne
La distribution d’énergie interne, dans l’ensemble canonique, est peut-être la quantité la plus révélatrice du phénomène. Ce qui se passe est particulièrement visible dans le cas de Na147 : La distribution se dédouble en une composante solide et une composante liquide. Ces deux composantes sont séparées d’une valeur égale à la chaleur latente de la transition.
animations
Les structures de Na55 et Na147 représentées dans les animations proviennent du site Cambridge Cluster Database.