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Expériences

Notre équipe s’intéresse, à un niveau fondamental, à l’étude du processus de nucléation des agrégats. Il s’agit d’étudier, à un niveau microscopique élémentaire, comment se construit progressivement un système polyatomique par collages successifs de constituants monoatomiques. Un dispositif expérimental original a été conçu et développé à cet effet. Concrètement, ce dispositif permet de réaliser, dans des conditions précisément contrôlées (taille et température de l’agrégat, énergie de collision), des collisions à basse énergie entre des agrégats sélectionnés en masse et des atomes ou molécules sous forme de vapeur.

Trois différents types d’expériences peuvent être réalisés :

1. à très basse énergie de collision (typiquement quelques dixièmes d’eV) sont mesurées les sections efficaces absolues de collage d’un atome ou d’une molécule sur un agrégat sélectionné en masse.

2. à moyenne énergie de collision (typiquement quelques eV) est observée la fragmentation induite par collision.

3. en faisant varier la température initiale des agrégats, il est possible de mesurer les courbes calorifiques (capacité calorifique en fonction de la température) d’agrégats sélectionnés en taille ou d’étudier leur stabilité thermique.

Après nous être intéressé aux agrégats d’eau homogène, nous nous focalisons à présent sur des agrégats comportant des espèces chimiques d’intérêt biologique, l’uracile, ou astrophysique, le pyrène, solvatées ou non. Nous présentons ci-dessous quelques exemples d’expériences :

1. Expériences de collage :

Les expériences de collage de molécules d’eau sur des agrégats d’eau ont révélé un comportement inattendu des sections efficaces de collage, plus faibles que prévu en raison d’un effet dynamique qui contrarie l’absorption par l’agrégat de l’énergie de collision lorsque le temps d’interaction agrégat/molécule est trop faible [“Sticking properties of water clusters ”, S. Zamith, P. Feiden, P. Labastie, and J-M L’Hermite, Phys. Rev. Lett. 104, 103401 (2010)].

Ces études ont été étendues à des agrégats d’alcools (ethanol, methanol) pour lesquels cet effet dynamique a été confirmé [“Attachment of Water and Alcohol Molecules onto Water and Alcohol Clusters”, I. Braud, J. Boulon, S. Zamith, and J-M L’Hermite, J. Phys.Chem. A 119, 6017-6023 (2015)].

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Figure 1. Section efficace de collage d’une molécule d’eau sur les agrégats d’eau protonés en fonction de leur taille, mesurées pour plusieurs énergies de collision (sur la figure, les énergies sont données dans le repère du laboratoire ; l’énergie de collision est approximativement cette valeur divisée par la taille). La section de collage est toujours inférieure à la section efficace géométrique, représentée ici par la ligne pointillée. Les traits continus sont le résultat d’un modèle dynamique de collision [S. Zamith et al, PRL,2010].

2. Fragmentation induite par collision :

Les agrégats d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont supposés être présent dans le milieu interstellaire et être une source potentielle de molécules complexes. Nous avons en laboratoire mesuré les énergies de dissociation d’agrégats de pyrène (C16H10) par des expériences de dissociation induite par collisions. Dans ces expériences, les agrégats de pyrène, sélectionnés en masse, collisionnent avec des atomes de gaz rare. A faible énergie de collision, nous n’observons pas de fragmentation. C’est seulement à partir d’une certaine énergie de collision que la fragmentation est observable. Nous mesurons ainsi la section efficace de collision en fonction de l’énergie de collision. Celle-ci présente un seuil d’apparition qui peut être relié à l’énergie de dissociation. La figure ci-dessous présent un tel exemple de mesures. Ces résulats ont fait l’objet d’une publication : ["Threshold collision induced dissociation of pyrene cluster cations", S. Zamith, J.-M. L’Hermite, L. Dontot, L. Zheng, M. Rapacioli, F. Spiegelman and C. Joblin, J. Chem. Phys. 153, 054311 (2020)]

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Section efficace de fragmentation en fonction de l’énergie de collision pour un agrégat de 4 molécules de pyrène en collision avec de l’argon.

3. Capacités calorifiques :

Les capacités calorifiques des agrégats d’eau protonés (positivement chargés) et déprotonés (négativement chargés) ont été mesurées, grâce à une technique mise au point par notre équipe [“A novel experimental method for the measurement of the caloric curves of clusters”, F. Chirot, P. Feiden, S. Zamith, P. Labastie, and J-M L’Hermite, J. Chem. Phys. 129, 164514 (2008)]. L’existence d’une transition de phase (transition solide-liquide fusion ou transition structurelle solide-solide, l’expérience ne permet pas de trancher) a été mise en évidence dans les agrégats déprotonés, avec une température de transition qui dépend de la taille. Une nette corrélation entre énergie de cohésion et température de transition est observée [“Experimental nanocalorimetry of protonated and deprotonated water clusters”, J. Boulon, I. Braud, S. Zamith, P. Labastie, and J-M L’Hermite, J. Chem. Phys. 140, 164305 (2014)]. La nature particulière de l’agrégat déprotoné « magique » de 55 molécules apparait dans l’évolution de la température de transition qui présente un maximum local à cette taille. Les courbes calorifiques des agrégats protonés, qui montrent également une transition de phase corrélée avec l’énergie de cohésion des agrégats, semblent indiquer qu’aux alentours de 35 molécules se produit une transition structurelle globale depuis des structures de type cage vers des structures plus désordonnées, voire totalement amorphes.

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Figure 3. évolution avec la taille des courbes calorifiques des agrégats d’eau protonés.