Des physiciens toulousains ont réalisé un interféromètre atomique dans lequel les ondes de matière se propageant dans chacun des bras sont séparées d’un dixième de millimètre avant d’être recombinées. Grâce à ce dispositif expérimental de haute résolution, ils ont mesuré pour la première fois la phase topologique de He-McKellar-Wilkens (HMW), qui avait échappé aux expérimentateurs depuis la prédiction de son existence, il y a près de 20 ans. Ce travail fait l’objet d’une publication dans la revue Physical Review Letters.
L’expérience
On parle de phase topologique lorsque la propagation d’une onde de matière quantique est perturbée alors qu’aucune force n’est présente dans la situation classique équivalente. Pour détecter cet effet physique subtil, il faut avoir recours à des interférences entre deux ondes ayant suivi des chemins différents et soumises à des conditions différentes. Il est nécessaire pour cela de réaliser un interféromètre atomique dans lequel la séparation entre les deux bras est macroscopique. C’est ce qu’ont réalisé les physiciens du Laboratoire Collisions, Agrégats, Réactivité (LCAR – CNRS / Univ. Toulouse 3) en construisant l’un des rares interféromètres atomiques à bras séparés existant au monde. Les paquets d’ondes atomiques d’un jet de lithium sont séparés, déviés puis recombinés par trois ondes stationnaires optiques distantes de 60 centimètres. Ce dispositif expérimental permet aux deux bras de l’interféromètre d’être complètement séparés dans l’espace et distants d’un dixième de millimètre. Cette distance est suffisante pour disposer entre les deux chemins une électrode afin d’induire une phase HMW qui sera détectée en recombinant l’onde ayant subi ce déphasage avec l’onde de référence étant passée dans l’autre bras. Outre la mesure d’un effet physique élusif, cette expérience ouvre de nouvelles perspectives dans le domaine de l’ingénierie quantique en montrant qu’il est possible de manipuler l’état quantique d’un atome sans jouer sur son état interne ou de spin. La phase change en effet de signe si la direction de propagation de l’atome est inversée. Cette non-réciprocité pourrait être utilisée dans de nouveaux dispositifs quantiques que sont les diodes cohérentes à atomes.
La phase topologique de He-McKellar-Wilkens
Les phases topologiques jouent un rôle important en mécanique quantique et, même si leur existence est fermement établie, ces phases demeurent intrigantes. Contrairement à ce qui se passe dans le monde classique, la propagation d’une particule dans le monde quantique peut être perturbée même en l’absence de force : cet effet étrange, prédit pour des particules chargées par Aharonov et Bohm en 1959, se manifeste par un déphasage dans une onde de matière et ne peut être détecté que par interférométrie entre de telles ondes.
Aharonov et Casher ont prédit en 1984 une autre phase topologique qui implique un dipôle magnétique et un champ électrique. Cette phase, qui existe aussi avec des particules neutres tels que des atomes a été observée expérimentalement en 1989. En 1993, He et McKellar ont prédit une phase topologique encore différente, induite par l’interaction entre un dipôle électrique et le champ induit par une ligne de monopôles magnétiques. Mais comme les monopôles magnétiques ont une existence hypothétique, cette prédiction est restée une pure spéculation jusqu’en 1994 où Wilkens décrit un test possible avec un atome polarisé par un champ électrique se propageant dans une configuration de champ magnétique réaliste. Cette phase He-McKellar-Wilkens (HMW) est probablement le dernier membre de la famille des phases topologiques qui peuvent être détectées par propagation de particules libres.
- Signaux d’interférences d’ondes de matière
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