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Quand la vitesse de la lumière dépend de sa direction

La lumière ne se propage pas à la même vitesse dans toutes les directions sous l’effet d’un champ électro-magnétique. Cet effet contre intuitif, mais prédit par la théorie, vient pour la première fois d’être vérifié expérimentalement dans un gaz par une équipe du Laboratoire « Collisions agrégats réactivité » (CNRS / Université Paul Sabatier – Toulouse 3). Les chercheurs ont mesuré avec une extrême précision, de l’ordre du milliardième de m/s [1], l’écart entre les vitesses de propagation de la lumière dans un sens et dans le sens inverse. Ces résultats ouvrent la voie à des recherches plus poussées visant à améliorer le modèle qui décrit les interactions entre particules élémentaires. Publiés le 11 mai 2011 dans la revue Physical Review Letters, ils laissent entrevoir des applications inédites en optique.

Dans le vide absolu, la lumière se propage à une vitesse constante égale à 299 792 458 m/s. Le fait qu’elle se déplace à une même vitesse dans toutes les directions paraît naturel. Or, contrairement à notre intuition, il existe des cas de figure pour lesquels cette propriété n’est pas vérifiée, notamment lorsqu’un champ électrique et un champ magnétique sont appliqués. Ces cas sont prédits par la théorie depuis la fin des années 70 et devraient même être observés dans le vide. Mais ces variations, très faibles, sont difficiles à vérifier expérimentalement.

Aujourd’hui, les avancées technologiques permettent de détecter ces effets dans un gaz (en l’occurrence l’azote). Pour les observer, des chercheurs du CNRS et de l’Université Paul Sabatier ont conçu une cavité optique [2] dans laquelle les faisceaux lumineux traversent un dispositif comportant des aimants et des électrodes, qui permettent de générer des champs électrique et magnétique intenses (le champ magnétique appliqué est 20 000 fois plus élevé que celui de la Terre). Ils sont ainsi parvenus à montrer, pour la première fois expérimentalement, que la lumière ne se propage pas à la même vitesse selon qu’elle se dirige dans une direction ou bien en sens inverse, dans un gaz où règne un champ électro-magnétique. La différence de vitesse mesurée est d’environ un milliardième de m/s (soit 10-9 m/s, ce qui équivaut à 10-18 fois la vitesse de la lumière). Cet écart infime, prédit par la théorie, est causé par les champs magnétique et électrique.

Ces résultats ouvrent plusieurs perspectives. D’une part, ils pourraient permettre de pousser plus loin les mesures de l’anisotropie de la propagation lumineuse. En augmentant la sensibilité du dispositif de mesure, les chercheurs pourraient, un jour, observer des défaillances infimes de l’invariance de Lorentz, qui est une symétrie fondamentale exprimée dans le cadre de la théorie de la relativité. Ceci permettrait de tester certaines propositions théoriques pour améliorer le modèle standard (modèle qui décrit aujourd’hui l’ensemble des interactions entre particules élémentaires). D’autre part, une telle anisotropie directionnelle régie par un champ électro-magnétique laisse présager des applications inédites en optique, comme des composants dont le comportement diffèrerait selon la direction, le tout étant contrôlé par le champ magnétique.

Cavité optique utilisée lors de l'expérience.

Références :

Magnetoelectric directional nonreciprocity in molecular nitrogen gas. B. Pelle, H. Bitard, G. Bailly, and C. Robilliard. Physical Review Letters, 11 mai 2011.

Contacts

Cécile Robilliard

Presse CNRS l Priscilla Dacher l T 01 44 96 46 06 l priscilla.dacher@cnrs-dir.fr


[1Un milliardième de m/s équivaut à 10-9 m/s.

[2Une cavité optique est un dispositif dans lequel certains rayons lumineux sont susceptibles de rester confinés grâce à des miroirs sur lesquels ils se réfléchissent.